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Qu'est-ce que le transfert ?

Le transfert est une relation particulière, intense, entre l'analyste et le sujet. On ne peut nier son existence qui est fondamentale pour le traitement, c'est un attachement affectif particulier.

Écrit par Ghylaine Manet le 5 Novembre 2021

Qu'est-ce que le transfert ?

Le transfert existe à des degrés divers dans toutes relations d’enseignements, quels que soient les domaines. C’est le phénomène relationnel qui lie celui qui demande et celui qui est supposé détenir un savoir susceptible de combler cette demande. Le transfert n’est pas possible sans la mise en confiance de départ : confiance, empathie, sympathie. La confiance se situe d’abord dans la main qui secourt, dans le regard qui fixe, dans la physionomie tout entière : c’est une impression globale et immédiate qui s’exprime ou qui se vit simplement dans un jugement sans appel : « Il ne me plaît pas, je ne peux plus le voir » ou « j’ai une confiance absolue ». Le transfert est une alliance de deux personnes, de deux sujets et de deux inconscients.

 

Bien sûr, au cours du traitement, le transfert implique des ambivalences de sentiments nécessaires à la mise à jour du sujet, de ses propres conflits refoulés. Nous retrouvons des situations décrites par les psychanalystes : les résistances font partie du travail. Mais le combat n’a rien à voir avec la personnalité du soignant qui sert de miroir à la lutte que mènent les pulsions inconscientes du sujet. La relation transférentielle qui existe dans un traitement resssemble à celle d’une cure psychanalytique : au départ, il se produit une régression narcissique sans laquelle il ne pourrait y avoir de véritable travail analytique, si court soit-il.

 

Le transfert est une relation affective particulière qui n’a pas de lien avec une relation parentale vécue historiquement par le sujet, que l’on ne peut donc situer dans son histoire personnelle, qui peut avoir des effets spectaculaires sur la guérison de certains symptômes. On note fréquemment une détente, un relâchement des tensions internes du sujet au début du traitement : « C’est une lune de miel », notait Freud. Puis la charge émotionnelle diminue progressivement, à mesure que la maturation des conflits se fait. Le processus lui-même de la cure est basé sur « une fusion narcissique entre d’une part l’analyste et l’analysé et d’autre part la situation analytique elle même »

 

L’analyste est le père et la mère à la fois. La situation transférentielle est vécue alors comme un paradis, et le sujet se retrouve sur le mode narcissique des premiers mois du nourrisson, mode fusionnel, d’avant l’angoisse. Le besoin d’être aimé est ainsi comblé dans la relation transférentielle. Dans la cure habituelle, les défoulements se font dans l’ordre inverse des refoulements. Le sujet revit les conflits et les inhibitions de son passé et l’analyste sert de support à ses projections.

 

L’analyse permet au patient de retrouver sa propre histoire, de se l’approprier par la parole qui rend possible le transfert. Le sujet analysé donne au sophrol une position privilégiée, celle du savoir. Jacques Lacan nomme l’analyste « le grand Autre » .1, qui permet la parole du patient, cette parole n’étant possible que par référence à un grand Autre extérieur aux deux protagonistes. Le sujet appelé « l’analysant » a la tâche de parler, d’associer. C’est lui, en dernier lieu, qui va déchiffrer les termes de sa demande adressée à l’Autre. C’est pourquoi il est si nécessaire d’avoir au préalable été analysé, car le contre-transfert, qui est la réponse de l’analyste au transfert de l’analysé, active les conflits inconscients de l’analyste. L’éthique thérapeutique exige de continuer l’engagement dans des supervisions entre thérapeutes pour répondre au transfert par un contre-transfert bien géré. L’enjeu est de taille : aussi forte que soit la relation transférentielle, l'analyste ne se prend pas pour un gourou, pour un être omniscient, omnipotent, indispensable dans la relation transférentielle ; il n’a pas à renforcer une relation entre personnes, car il n’est pas un sujet pour l’analysant mais « un objet ». Il n’a donc pas à se complaire dans une image idéalisée de lui-même. Il ne doit pas être une image ou un rôle, il doit être ce qu’il est. Cette présence à lui-même authentique dans l’ici-et-maintenant de l’écoute est particulière. Carl Rogers la qualifie de « congruente ». Elle est indispensable pour réussir avec le sujet une entreprise de liberté et d’autonomie. L’éthique personnelle de l'analyste tient en ces mots : « Penser ce que l’on dit et dire ce que l’on pense ». Cette congruence va faciliter la parole authentique du patient et sa motivation au changement.

 

Le sujet doit pouvoir se passer de l'analyste assez rapidement. La thérapie évolue de trois mois à un an, en moyenne. Un jour en effet, si le travail de « re-naissance » est bien mené, le sujet connaîtra l’apaisement de son angoisse, l’acceptation d’un passé, la connaissance des mobiles de ses actes, la remise en route, l’espoir dans l’avenir. L’entraînement analytique a le même but que celui qu’Anna Freud assignait à la psychanalyse : supprimer les troubles et rétablir l’intégrité du Moi .2. Il aura les moyens d’être heureux et de vivre la vraie vie, celle qui crée une existence authentique, où le sujet se reconnaît comme auteur de sa propre vie, où il se sera retrouvé comme personnalité unifiée, basée sur l’équilibre du corps et de l’esprit réconciliés.

 

1. Jacques Lacan, La relation d’objet. Séminaire. Livre IV, Le Seuil, Paris, 1994.

2. Anna Freud, Le moi et les mécanismes de défense, PUF, Paris, 1993.